http://www.jose-corti.fr/titres/bete-a-bon-dos.html
Christine Van Acker figure parmi les finalistes du Grand Prix SGDL de l'Essai pour La bête a bon dos, publié chez José Corti.
Aucun Belge n’a jamais été primé dans la catégorie essai. Les autres auteurs sont :
- Pierre Bayard, L’Enigme Tolstoïevski, Minuit
- Georges Didi-Huberman, Aperçues, Minuit
- Alexandre Gefen, Réparer le monde, Corti
- Boris Gobille, le Mai 68 des écrivains, CNRS éditions
- Anselm Jappe, La société autophage, La Découverte
- Bruno Latour, Où atterrir ? La Découverte
- Danièle Laufer, Le Tako Tsubo - Un chagrin de travail, Les Liens qui Libèrent
https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/02/23/prix-litteraires-une-nomination-pour-christine-van-acker/#more-20446
Revue Textyle, novembre 2024 : https://journals.openedition.org/textyles/6770
On entrera dans ce livre au hasard, de la même manière qu’on atterrit dans l’herbe ou qu’on est soudain mis en présence d’un oiseau de nuit. Ne bougez pas, les surprises jaillissent. Un écureuil crie à l’auteure de passer son chemin : «On le dirait à vapeur quand il lance sa colère comme une toux.» Une chienne égarée est rendue à son maître, un chasseur : «Elle nous a laissé son odeur, celle du crime et de la peur.»
Les animaux ont du génie, même les limaces. Les poussins ont une certaine conception du monde. Les araignées, n’en parlons pas : «Nous savons à présent que la soie d’araignée est un biopolymère composé d’une famille de protéines plus robustes que le verre.» Il fut un temps où on croyait que les hirondelles, l’hiver, disparaissaient dans la vase. A partir de Buffon, on a compris qu’elles allaient voir ailleurs, et s’en revenaient quand le temps s’y prêtait. Mais Christine Van Acker préfère s’attarder en compagnie du martinet, d’une autre famille, contrairement aux apparences, car «c’est un apodidae (apus, sans pied)». Le coup du martinet : «Oiseau aux ailes falciformes, moissonneur des espaces aériens, il monte le soir à la limite de la troposphère, et donc de l’oxygène, jusqu’à trois mille mètres d’altitude.» Le bruit qu’il fait : «En hébreu et en arabe, sis est le mot qui désigne, avec une rare pertinence acoustique, le martinet qui cravache le mur du ciel de ses stridences.» Une fois les chapitres égrenés jusqu’à la fin, en passant par le renard, le canard, la vache et deux spécimens mâles que l’auteure côtoie à son domicile, on reviendra au début, afin de découvrir ce qu’est l’apoptose - l’obsolescence programmée de nos cellules. Van Acker cite Marie Gevers sur Colette, «proche de la nature et de l’âme animale». On lui renvoie le compliment.
Claire Devarrieux, Libération, 21 février 2018 :
http://next.liberation.fr/livres/2018/02/21/ecureuil-araignee-martinet-au-bonheur-des-betes_1631393
Un entretien avec Riccardo Barontini, Université de Gand :
https://www.literature.green/ecrire-le-vivant-limagination-au-defi-de-la-science/
À la fois atypique et militante inconditionnelle du parti de la vie dans tous ses états, Christine Van Acker use de nombreux registres pour assumer sa créativité et servir sa vision du monde. À partir d’un amour aussi tenace que trop souvent déçu pour son espèce, ses gammes vont de l’humour et de l’autodérision à l’ironie positive, à la parabole futée et jusqu’au surréalisme d’une éclairante excentricité. Avec La Bête a bon dos, l’exploration de l’univers animal la met en vacances de l’humain – enfin, presque… Avec pour carburant la vertu cardinale des vrais découvreurs : le perpétuel étonnement. Mais, est-ce pour nous effrayer qu’elle mobilise presque d’entrée de jeu le microscope et le jargon savant du bio-généticien pour évoquer la résistance du « royaume du vivant » face à « l’empire de l’inanimé » ? « L’eucaryote ne comprendra jamais comment un procaryote, tout à la joie de laisser son ADN barboter nu comme un ver, accompagné de nombreux ribosomes dans un bain cytoplasmique partagé, arrive à survivre sans la protection des parois du Noyau. » Encore faut-il préciser que « Le domaine des eucaryotes (…) regroupe tous les organismes unicellulaires ou pluricellulaires qui se caractérisent généralement par la présence d’un noyau et de mitochondries dans leurs cellules ».
Pas de panique, l’œil de la dame pétille de complicité enjouée avec l’air de nous glisser : ce message barbelé de grec, c’était un peu pour rire, même si c’est dit et même si c’est vrai. Du reste, elle nous rassure vite en passant par François d’Assise et le Livre de la Sagesse pour déboucher sur son principal terrain d’action : le morceau de Gaume où elle a élu domicile. Et nous voila inscrits, avec loupe et sans ardoise, à son école buissonnière. Pour partager des rencontres personnelles, intimes et pittoresques avec les vedettes d’un bestiaire et d’un herbier déclinés au fil des jours et des saisons. Chemin faisant, le décor champêtre s’enrichit aussi d’une multitude de textes extraits du patrimoine littéraire et scientifique, de Montaigne ou saint Augustin à Linné, Fabre, Lacarrière ou Asli Erdogan, en passant par Colette, Jules Renard, Gide et beaucoup d’autres.
Honneur à la sauterelle pour amorcer l’excursion (normal : c’était le surnom donné « dans sa prime jeunesse » à Christine Van Acker par ses parents bateliers). D’emblée, la méthode s’affirme : l’observation patiente et approfondie s’accompagne d’une recherche en toutes directions pour asseoir le statut scientifique, mais aussi culturel, emblématique ou même philosophique de la bestiole. Sans oublier surtout ce qui, en plus de la découverte, fait tout le charme et le suc de l’ouvrage : le rapport personnel, voire existentiel, de la promeneuse avec son sujet et les digressions savoureuses, parfois folâtres ou hardies mais toujours signifiantes et assaisonnées d’un humour indéfectible, (le plus précieux : celui qui s’apparente à l’humour de la vie). Sans détailler évidemment le cortège animalier, une mention spéciale s’impose pour le plus modeste (par la taille), le Tardigrade, minuscule « ourson d’eau » qui, sous le microscope, apparaît comme « un sac d’aspirateur muni d’un groin et de huit pattes terminées par des griffes non rétractiles». Description parlante avalisée par l’illustration flottant sur la couverture racée, propre à la belle collection Biophilia de Corti.
L’homme toutefois, n’est pas absent de ce bestiaire, fût-ce pour évoquer les caprices de sa cruauté, tels ceux d’Auguste II de Pologne dit « le Fort » qui battit le record du « lancer de renard » consistant à catapulter mortellement le plus grand nombre d’animaux. (Le score royal enregistré pour ce concours rafraichissant : six cent sept renards en plus d’un carnage de près de sept cents représentants d’autres espèces.) In fine, autre évocation plus positive et malicieuse, affectueuse aussi, celle de deux grands animaux de compagnie : un mâle adulte et un petit de dix-huit ans et de même sexe, « dont les conflits de territoire sont parfois pénibles, ainsi que leurs querelles au sujet des quantités de nourriture ». Ce qui n’empêche pas leur hôtesse et vivandière de se voir comme « l’huile qui permet aux engrenages de la ménagerie de ne pas se gripper ».
Ghislain Cotton, un coup de cœur du carnet et les instants, 23/03/2018
https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/03/23/van-acker-la-bete-a-bon-dos/
Dans le Femmes d'aujourd'hui du 27 juin 2019 :
Un article de Delphine Crahay, dans Analectes et brimborions :
https://analectesetbrimborions.home.blog/2019/09/07/pour-lamour-des-betes/
Saviez-vous que la sauterelle – à qui l’expression les plaisirs de la chair doit paraître bien incongrue – se retrouve, après le passage du mâle, avec une poche de sperme sur les mandibules, et qu’elle doit ensuite s’échiner, quelques heures durant, à la percer, avant de se féconder elle-même et d’enfouir ses œufs dans le sol ? Qu’un dénommé Tardigrade, qui se présente sous la forme singulière d’un « sac d’aspirateur muni d’un groin », peut rester en état de cryptobiose pendant trente ans ? Que la sagacité des corneilles leur permet de profiter du passage des voitures pour casser des noix dont elles peuvent ensuite se régaler sans coup férir ?
C’est ce que vous apprendrez – entre autres – en lisant le livre de Christine Van Acker, quatorzième volume de la collection Biophilia, aux éditions Corti, qui se voue à mettre en scène le vivant sous les éclairages les plus divers, qu’ils soient scientifiques ou littéraires.
« La Bête a bon dos » est un recueil de brèves chroniques dont chacune décrit, avec les détails que fournissent l’observation patiente et la recherche minutieuse, la vie et les mœurs d’un animal ou d’une espèce, de l’eucaryote à un « spécimen rare » – le « mauvais sujet » – en passant par l’écureuil et le ver de terre. Dans ce bestiaire truffé de digressions enjouées et jamais importunes, Christine Van Acker allie la précision et la rigueur de l’érudition à un humour malicieux, sans jamais tomber dans la pédanterie, la lourdeur ou le didactisme. Elle évite aussi les écueils qui, à ce qu’il semble, menacent tout qui se met, surtout hors d’un cadre scientifique, à parler des animaux : anthropomorphisme, niaiserie, angélisme et gâtisme – point n’est besoin, pour parler des – ou aux – bêtes, de bêtifier. On ne sent pas non plus, dans le ton de l’auteure, de relents idéologiques : toute verte que soit celle à laquelle on pense, elle n’est pas plus blanche qu’une autre, et c’est un esprit léger, fin et nuancé, sans dogmatisme, que celui qui anime ces pages.
Il en résulte un ouvrage du plus vif intérêt, que nourrissent aussi bien le propos de l’auteure que les nombreuses citations qu’elle égrène tout au long de cette promenade buissonnière dans le règne animal – on y croise Colette, Renard, Fabre, …
Ces histoires naturelles invitent à en lire d’autres – la collection Biophilia, d’ailleurs, compte une quinzaine de titres – et surtout à prendre le temps de regarder les bêtes, en portant sur elles un regard curieux et, s’il se peut, naïf, disposé à l’étonnement perpétuel et aux ravissements renouvelés.
C'est original et désopilant, plein de détours et de précipités drolatiques ou tendres, une manière d'encyclopédie intime où tu développes un sacré don de la proximité.
Hubert Haddad
Bravo !!!!!! Bravo! C’est vrai que votre livre est formidable, magnifique, tendre en diable, drôle complice; je me délecte dans une lecture lente, comme on suce des bonbons. Le passage sur vos compagnons de vie m’a fait crouler de rire.
Vinciane Despret
L'auteur de La bête a bon dos et le système décimal :
Votre ménagerie m'a tenu compagnie, et quelle agréable compagnie ! A lire en continu ou par picorage c'est le même régal. J'y trouve des perles de choix, certaines cependant d'une taille qui heurte le sens commun. En voilà une page 84, dans le chapitre dédié au Morpho : le B52, déjà gigantesque avion, porte chez vous 30000 tonnes de bombes ! Doit-on comprendre que vous pensez là à toute sa carrière de bombardier, ce qui serait déjà hors normes ?....Un peu plus loin, vous nous faites rencontrer la magnifique Tégénaire, page108, chez vous magnifique ET géante bestiole, ou est-ce votre double décimètre qui s'enfle 10 fois pour contenir tous ces millimètres, parce que dans ma campagne je n'en trouve que 10 par centimètre ?....
Que ces remarques ne vous troublent pas outre mesure, le plaisir de lire votre livre et de le faire lire est complet!
Bien cordialement. Pierre L
Je suis entrain de savourer "La bête a bon dos" dont j'apprécie l'érudition gourmande, la musique, l'humour, la poésie et le mystère ... Cependant, j'ai cru y déceler une petite erreur, page 108 à propos de l'araignée : "Sans les pattes, elle peut atteindre les deux cents millimètres (plus impressionnant que deux petits centimètres, non ?)". Or, deux cents millimètres font bien 20 centimètres ... Mais peut-être ai-je mal compris ... Peut-être existe-t-il chez vous, "Ici", des araignées assez volumineuses pour, par groupe de cinq et à la queue leu leu, atteindre le mètre ? Merci d'éclairer ma lanterne comme vous entretenez mon plaisir de lecteur. De toute façon, vos approximations décimales n'enlèvent rien à la beauté de votre livre qui enchante, célèbre et sublime les animaux !!! Vraiment, bravos et mercis ! Laurent Q
J'achève la lecture de La bête à bon dos au crépuscule dans mon jardin. Merci pour ce moment de douce lecture, concentré d'intelligence et d'empathie. C'est le livre sur rien dont rêvait Flaubert; non, plutôt un livre sur tout à la d'Ormesson l'outrecuidance en moins. J'ai pensé souvent aux Stunden im Garten de mon cher Herman Hesse. Vos livres se suivent sans se ressembler mais avec cette liberté de ton et cette fluidité qu'on aime tellement chez vous. J'imagine que vous avez pris un immense plaisir à construire cet opuscule qui exigea beaucoup de recherche et de lectures. La moisson est riche. Marc G
Je voulais te dire que je viens de finir la lecture de ton bouquin La Bête a bon dos et je voudrais te dire que cette lecture a été une belle découverte.
Je me suis régalé! J'en ai profité à chaque moment un peu plus, d'une manière exponentielle, emballé sur la fin.
Je trouve ton écriture d'une grande finesse, très intelligente et amusante. J'ai découvert des nouveaux concepts, mots, bestioles et l'humanité sous un autre angle.
C'est quelque chose de complètement nouveau pour moi et j'espère pouvoir échanger avec toi de tout cela et plus encore.
Juanito
Fermer un livre qui a accompagné la fin de l'été, et savoir que ses résonances accompagneront l'automne... Lire très lentement et s'arrêter pour rester un moment avec une phrase, parce qu'une association, une idée, une odeur, un chat, prennent toute la place. Le déposer pas loin parce qu'on y reviendra... C'est un livre sur quoi ? Je ne sais pas... c'est un livre. Un endroit habitable. Veronika.M
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LECTURES BETES :
L'adieu est un signe, Joël Vernet, Fata Morgana, 2015 :
Laponie
Un élan est apparu de la forêt, venant vers moi qui n'allais nulle part, contemplant mes chaussures maculées de poussière. Nous nous sommes arrêtés, étonnés de nous trouver là, l'un en face de l'autre, muets peut-être pour toujours. L'un sortant de la nuit des forêts, l'autre des méandres du souvenir. Nous donnions l'impression fugitive d'être de vieux amis. De ses longs bois l'élan dessinait dans le ciel, griffonnait ce manuscrit d'azur. Mon esprit tapait à peine du doigt sur le tambour de ma poitrine. Nous étions immobiles sur cette lisière de n'importe où, nous regardant comme deux frères sauvages.
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Citations extraites de L'homme, cet animal raté de Pierre Jouventin, ed.Libre et solidaire :
(...) "un animal", cela n'existe pas : il y a deux millions d'espèces très différentes face à une seule, la nôtre.
Ces débats sur "l'âme des bêtes" ou "l'âme des sauvages" ne sont en fait qu'une manière de nier l'Autre et de le placer dans une catégorie inférieure, de disqualifier du statut humain ceux que l'on veut exploiter, de "voler leur âme" à ceux que l'on veut priver de paradis selon les croyances de l'époque.
Sous doute, sommes-nous les champions du Verbe, mais doit-on cacher comme une tare et une tare sur notre blason de maîtres du monde que l'espèce humaine est l'une des rares du monde vivant à ne pas percevoir les ultraviolets qui doublent la palette des couleurs, en particulier celles des fleurs pour les insectes.
Il faut élargir l'humanisme à l'ensemble du monde du vivant comme les autres civilisations moins nombrilistes, moins anthropocentrées que la nôtre l'ont fait, afin de rétablir les liens rompus depuis si longtemps avec notre famille animale.
On a découvert avec surprise que la tromperie et le mensonge n'exigeaient pas un gros cerveau : comme l'a signalé le biologiste américain Peter Marler, le coq qui veut attirer une poule pour copuler, lance le gloussement qui annonce la découverte d'un ver de terre même s'il ne trouve qu'une coquille sans intérêt, mais il reste silencieux à côté d'un autre coq même s'il a trouvé un ver !
"L'homme est la mesure de toutes choses", répète-t-on, mais on oublie qu'aux disciples de Protagoras, Socrate demanda pourquoi le cochon ou le babouin ne serait pas la mesure de toutes choses...
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Le respect que nous souhaitons obtenir de l'homme envers ses pareils n'est qu'un cas particulier du respect qu'il devrait ressentir pour toute forme de vie. C.Lévi-Strauss
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Deux dangers menacent l'Homme qui observe les animaux : le premier serait de croire que les animaux sont des hommes. Et le deuxième de croire que les hommes sont des animaux. Boris Cyrulnik
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Celui qui comprendra les babouins aura fait plus pour la métaphysique que Locke. Charles Darwin
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Cet être est réellement le plus étonnant et le plus inconcevable de ceux qui existent sur le globe. On pourrait même ajouter qu'il est de tous les êtres qu'il a pu observer, celui qu'il connaît le moins ; et qu'il ne parviendra jamais à se connaître véritablement que lorsque la nature elle-même lui sera mieux connue. Jean-Baptiste Lamarck
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Le fascisme commence quand on insulte un animal, voire l'animal dans l'homme. Jacques Derrida