LEVER LES PAROLES INSOUMISES : quand écrire, c'est agir (AKDT 2018)
Elles sont partout
les paroles insoumises.
Reste à les lever.
Claude Burneau, Instant d’Yeu (ed. Pays d’Herbes)
Constater, s’indigner, râler dans son coin ne suffisent pas. Les défaillances et le cynisme de ceux qui sont censés nous représenter poussent quelques-uns d’entre nous à poser des actes de désobéissance civile (accueil des réfugiés, placardage des panneaux publicitaires…). Erri de Luca, écrivain italien, accusé de sabotage dans une affaire où il militait pour la préservation d’un environnement menacé par la construction d’un TGV, Asli Erdogan emprisonnée pour ses idées, puis libérée et assignée à résidence après une mobilisation conséquente de la communauté internationale, font partie des auteurs de notre époque qui, non seulement gardent les yeux grands ouverts, mais qui ont également pris des risques pour faire savoir au reste du monde les menaces qui pèsent sur la démocratie.
(Titi en immersion avec les dames de la cuisine de l'Athénée de Neufchâteau)
Cet atelier d’écriture a invité les participants à partager leur regard sur le monde, un monde toujours à améliorer, toujours à refaire, et questionnera leur volonté d’agir concrètement. Des lectures d’auteurs, passés et présents, qui ont réussi à conjuguer littérature et mise en œuvre d’actions véritables, en adéquation avec leur pratique littéraire, alternaient avec des moments d’écriture sous contraintes libératrices qui pouvaient déboucher, pour ceux qui le désireraient, sur une action véritable (brigades d’intervention poétique, harangues, affichages de textes, manifestations décalées, pétitions, articles à publier dans la presse…).
Dans l’autre pièce, Rateau regardait la toile, entièrement blanche, au centre de laquelle Jonas avait seulement écrit, en très petits caractères, un mot qu’on pouvait déchiffrer, mais dont on ne savait s’il fallait y lire solitaire ou solidaire.
Jonas ou l’artiste au travail, Albert Camus
Pratiquement :
Solitaire : des moments de découverte d’auteurs témoins et acteurs de leur temps pour attiser de belles flambées d’écriture allumées par les consignes. Les textes qui en ont émergé étaient partagés ensuite avec les autres dans un esprit de bienveillance, et servaient d’appui à une action à mener. Remarque : identifier et décider de régler son compte à la langue de bois est déjà une action en soi.
Solidaire : Ce qui fâche a été mis sur la table. Les pratiques pour les exposer au grand public ont été choisies librement selon les aptitudes et les volontés individuelles. Stéphane Georis et Emilienne Tempels, invités surprises, sont venus échanger avec nous au sujet de leurs pratiques « artivistes ».
Important : même impertinentes, les actions qui pouvaient avoir lieu étaient toutes non-violentes.
L'atelier a eu lieu du 15 au 22 juillet 2018
Animé par Christine Van Acker, auteur, notamment, de La dernière convocation, pamphlet paru aux éditions du Cactus inébranlable, dans lequel elle annonce aux fonctionnaires du Forem qu’elle ne se rendra plus à aucune convocation de leur part. Ce qui fut écrit, fut fait.
Les insoumis 2018, à l'AKDT (Sarah, Titi, Gus, Anne, Alice, Valérie, Julie, Christine).
Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le (le tyran) pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.
Etienne de la Boétie, Discours sur la servitude volontaire, 1574
L'utopie n'est pas un point d'arrivée, mais un point de départ. On imagine et on veut réaliser un lieu qui n'existe pas.
Si mon opinion est un délit, je continuerai à le commettre.
Je continuerai mon opposition derrière le mur prescrit par le jugement. Mon corps est d'accord avec moi, comme d'habitude lorsque j'escalade une paroi.
Notre liberté ne se mesure pas à des horizons dégagés, mais à la cohérence entre mots et actions.
Si je ne le faisais pas, si je me taisais par convenance personnelle, préférant m'occuper de mes affaires, les mots se gâteraient dans ma bouche. Mon vocabulaire d'écrivain tomberait malade de réticence, de censure. Je perdrais la belle compagnie que me tient l'écriture depuis l'âge lointain de ma première petite histoire. Pour moi, en tant qu'écrivain et en tant que citoyen, la parole contraire est un devoir avant d'être un droit.
La parole contraire, Erri de Luca