L'EN VERT DE NOS CORPS
Pour le commander : L'Arbre de Diane
Préface : Vinciane Despret
Illustrations : Fabien Mérelle
Relecture : Sébatien Lezaca
Participation au colloque sur le livre éco-responsable, à la Foire du livre 2023 (à la toute fin) :
Recension de Véronique Bergen, dans le Carnet et les Instants, avril 2020 :
"Pour évoquer le monde végétal que le savoir dominant de l’Occident a ignoré pendant des siècles, Christine Van Acker a choisi de nouer deux registres, ceux de la poésie et de la science jusqu’à brouiller leurs frontières, montrant l’artificialité des découpes entre champs de connaissance. Livre-jardin, livre-forêt, rythmé par un essaim de citations qui pollinisent le texte, L’en vert de nos corps nous fait pénétrer dans les mélodies du végétal. Par les sens et les vertus de l’écoute, en collant l’oreille au tronc des grands silencieux, en prêtant attention aux fleurs, aux arbres, aux légumes, non pour ce qu’ils nous procurent comme bienfaits mais pour eux-mêmes.
La pensée de Christine Van Acker suit les mouvements du vol du bourdon, nous entraîne dans les récits de la toute-puissance de la chlorophylle (nous devrions « ne pas oublier notre allégeance à l’ensemble du monde végétal »), de la poussée hélicoïdale de la sève, de la théorie des signatures à la Renaissance avec Paracelse (la loi des plantes médicinales étant « le semblable soigne le semblable ») ou encore de l’horloge biologique des fleurs.
L’horloge de Flore, créée en 1905, nous informe que le pavot s’ouvre à six heures, le pissenlit à dix-sept heures, le nénuphar jaune à dix-neuf heures.
De la folie des herbicides, du glyphosate qui frappe ses voisins à l’observation des phénomènes naturels, de la perception de la sensibilité des arbres (Maeterlinck parlait de l’intelligence des fleurs) au désastre des « printemps silencieux » (Rachel Carson) qui affectent les arbres sensibles aux chants des oiseaux, de la découverte du phénomène de la timidité des cimes (les arbres maintenant une certaine distance entre leurs feuillages, leurs branchages supérieurs et leurs voisins) au mutualisme entre les arbres et les champignons, Christine Van Acker tisse des récits rhizomatiques, tout en immanence dès lors qu’ils ne surplombent jamais ce dont ils parlent.
Pourquoi l’Arche de Noé a-t-elle oublié les végétaux ?
Alors que se déroule la sixième extinction, dans le goulot de laquelle, nous serons tous précipités, dans quel bateau les Noé de notre époque pourraient-ils embarquer, sur quel mer conduiraient-ils les animaux — et les plantes, cette fois-ci — dont l’homme n’a pas contribué à l’éradication, vers où achemineraient-ils les arbres primaires encore debout, les semences anciennes non manipulées ?
Les études des botanistes, des dendrologues, des naturalistes — Francis Hallé, Jacques Tassin, Peter Wollheben, Ernst Zürcher… —, des militants écologiques — Wangari Maathai, Rajendra Singh…—, les romans, les poèmes — Giono, Colette, Jaccottet, Bonnefoy, Ponge, Marie Gevers, Maeterlinck… — , les soins que Christine Van Acker apporte aux potagers, aux arbres, au travail de la terre rythment cet essai qui, davantage que lire la nature de l’intérieur, écoute ses bruissements, ses secrets, son intelligence. Car, lit-on le monde végétal avec les doigts, les yeux, l’ouïe, l’olfaction ? La nature est davantage qu’un livre. Elle n’a pas à être décryptée mais vécue, habitée avec respect.
L’Occident, la mondialisation se sont construits sur l’oubli de l’interdépendance entre les règnes. C’est cet oubli qui mène à la sixième extinction des espèces animales et végétales, à la crise environnementale, à la crise sanitaire induite par le coronavirus, covid-19. L’être humain n’existe que connecté à l’ensemble des formes du vivant. Préfacé magnifiquement par Vinciane Despret, L’en vert de nos corps plante des mots-graines qui ont la puissance de réactiver notre lien aux plantes, aux animaux, de nous ouvrir aux chants du vivant. Des liens que nous avons malmenés, fragilisant les écosystèmes, jusqu’à précipiter leur destruction sans retour. Des nouages, une connectivité, une co-existence sans lesquels le cycle de l’humanité touchera à sa fin. Dans la guerre en cours entre ceux qui détruisent, polluent, dévastent et ceux qui plantent, réparent, sèment, L’en vert de nos corps est un livre-projectile mettant en œuvre la « guerilla gardening », la guérilla jardinière des activistes environnementalistes lanceurs de bombes de graines. Deborah Bird Rose dans Le rêve du chien sauvage. Amour et extinction (Éd. Les Empêcheurs de penser en rond, trad. Fleur Courtois-l’Heureux, préface de Thom van Dooren et d’Isabelle Stengers) s’appuie sur la formule du biologiste Michael Soulé « les gens sauvent ce qu’ils aiment ». Aimera-t-on suffisamment les peuples autochtones, les migrants, les opprimés, les animaux sauvages, les arbres, les océans, les montagnes, les pôles Nord et Sud pour les sauver ?"
Le Soir, Jean-Claude Vantroyen, le 27/06/2020 :
" Le jardinier botaniste entomologiste biologiste et écrivain Gilles Clément écrit : « Le jardin ne s’enseigne pas, il est l’enseignant. » Christine Van Acker reprend cette phrase parmi les pertinentes citations émaillées dans son livre. Et c’est en quelque sorte le résumé de son propos. En 44 flâneries (« des miniatures », dit-elle), l’autrice nous offre une lecture verte de la vie, un ressourcement auprès de la nature, et particulièrement auprès des arbres et des plantes. Elle nous exhorte à les regarder, les admirer, les écouter aussi. Et à nous fondre avec eux et elles dans le grand cosmos. De nous rappeler en quelque sorte que nous sommes des cousins et que nous partageons des gènes communs : 25 % de nos gènes avec l’arabette, par exemple, une fleur sauvage. Il y a bien longtemps que les chemins des humains et des végétaux ont divergé, certes, mais gardons l’humilité de toujours les considérer comme des cousins lointains qu’il faut traiter avec respect.
Christine Van Acker nous emmène en promenade, dans les jardins, les bois, les forêts. Et dans ses souvenirs. Avec elle, on grimpe avec les petits pois, on circule avec la sève (qui tourne en vortex autour de l’arbre), on s’amuse des noms des plantes, on se dénude de ses feuilles, on presse les premiers bourgeons de cassis entre ses doigts pour en humer l’odeur « qui explose mes sens », on plante des milliers d’arbres pour réparer la nature, on s’émerveille, on croque ses mots comme une reinette juteuse, on goûte leur saveur, on rêve.
Est-ce un livre poétique, philosophique, scientifique ou militant ?
Au moment d’écrire, je ne réfléchis pas à la case dans laquelle cela pourra se retrouver ensuite. Cela part d’une justesse, à ce moment-là, de l’écriture. Cela s’impose. Le scientifique trouvera son compte dans ce livre ainsi que le poète, le philosophe et le militant, pourquoi pas ? Chacun élargissant son spectre d’intérêt car les frontières de chaque discipline ne sont pas défensives mais appellent à plus de métissage.
C’est un livre érudit ?
Nous vivons une époque où il suffit de citer quelques auteurs ou d’utiliser quelques mots scientifiques pour être vue comme érudite. Mais j’écris plus avec mon corps qu’avec mon intellect, c’est le langage de la vie. Etre exigeante avec le style, le choix du vocabulaire, traiter le réel au scalpel, parfois avec cruauté, c’est un respect dû au lecteur. Quand je vais dans des écoles, je n’hésite pas à lire aux ados des auteurs qu’on classerait dans les « compliqués ». Les ouvrir à d’autres langues, comme on découvre d’autres saveurs, d’autres musiques. Mes livres naturalistes me sont des outils pour fixer ce qui, chez moi, s’oublie rapidement. Ils sont destinés non seulement au partage, mais à accompagner ceux qui peinent à mettre des mots sur ce que, comme moi, ils auraient déjà observé. Les mots de la science me sont des passerelles vers la justesse, mais aussi vers la poétique qu’ils contiennent. D’ailleurs, les scientifiques font aussi énormément appel à l’imagination et parlent d’« inspiration ». Je pense qu’utiliser les mots de cette manière peut les démystifier.
Ce livre a-t-il aéré le confinement, donné aux gens une autre respiration ?
Il y a eu en effet beaucoup de réactions en ce sens. Et, s’il y a une chose qui me conforte de continuer, c’est bien cela : dans un monde où ne sont mises en avant que les mauvaises nouvelles, apporter une autre vision, moins limitée à l’humain, plus ancrée dans l’ensemble du vivant dont nous sommes. Le confinement nous l’a bien démontré, à beaucoup d’entre nous, auteurs et autrices, qu’il était impossible d’écrire sans ce contact vital avec le monde qui nous entoure.
Qu’espérez-vous de ce livre ?
Qu’il propage l’énergie du vivant qui m’a nourrie en amont et qui a permis qu’il advienne. Un jour, un lecteur m’a dit qu’il regardait les animaux autrement depuis sa lecture de mon livre La bête a bon dos. Voilà ce que j’espère : un regard autre, nouveau. Une fois qu’on a exploré par l’intérieur le monde animal, végétal, le monde microcellulaire, il n’y a plus de retour en arrière possible : nous perdons une part de notre penchant prédateur. "
Recension de Delphine Crahay dans La cause littéraire :
"L’en vert de nos corps est un recueil de chroniques qui associe anecdotes, récits de rencontres, descriptions naturalistes de la flore et leçons de choses, considérations scientifiques et philosophiques, littéraires et mythologiques, écologiques, et ça et là, politiques. Hétéroclite et foisonnant, cet ouvrage trouve son fil rouge et sa cohérence dans son thème mais aussi dans l’insatiable et fervente libido sciendi qui anime l’auteure. C’est aussi un essai, le terme qualifiant assez justement la démarche et l’attitude de Christine Van Acker : elle y déploie non pas une pensée propre mais un certain art de lire, aussi bien les livres que les plantes – « du bout des doigts, ligne par ligne ». Cet art est humble, au sens le plus terrien du terme, et résulte d’une tentative sans cesse réitérée, sans cesse réorientée, de compréhension du règne végétal. En fait d’ouvrage, on pourrait presque dire qu’il y en a deux : d’une part, la promenade buissonnière à laquelle l’auteure nous convie ; d’autre part, des miscellanées, de sorte que l’ensemble se prête aussi bien à une lecture suivie et linéaire qu’à une déambulation erratique et glaneuse.
Le premier montre que cette « jardinière du dimanche », ainsi qu’elle se qualifie, possède l’art de transmettre des connaissances précises et pointues et d’user du terme propre, en l’occurrence technique, sans être jamais lourde, pédante ou importune. Dotée d’une faculté d’étonnement candide sans être niaise, elle se révèle aussi encline à l’admiration des beautés qui sont offertes à son regard qu’à l’observation minutieuse des phénomènes naturels et à l’étude d’ouvrages savants. Mêlant érudition et anecdotes, rigueur et passion, elle pratique la vulgarisation au sens noble du terme : la mise à disposition et à portée de savoirs scientifiques, à destination non du plus grand nombre – ne nous leurrons pas : la densité du propos éloignera ceux que l’effort rebute ou que le sujet n’intéresse que faiblement – mais d’un grand nombre. Ce faisant, elle renoue avec les usages de certains naturalistes d’autrefois, qui faisaient œuvre de savant autant que d’écrivain et dont le style, littéraire voire poétique, était aux antipodes de la sécheresse désolante de certains traités scientifiques. L’amateur y puisera ainsi des connaissances sur la circulation hélicoïdale de la sève, les effets de certaines vibrations acoustiques sur la croissance des arbres, le phénomène du crown shyness ou timidité des cimes, le langage des fleurs…Entre les chapitres, s’ouvrent des pages de citations où se côtoient poètes, écrivains et hommes de science, anciens et contemporains – Philippe Jaccottet, Pascal, Jean-Pierre Otte, Colette, Gilles Clément, Jean-Christophe Bailly, Francis Hallé, Jacques Tassin, Jean-Henri Fabre, Charles Darwin… et notre cher Dhôtel – évidemment. Ces analectes composent le second livre, qui invite à la lecture et à l’écriture, à l’étude et à l’observation, à la rêverie et à la pensée. Elles témoignent de la richesse et de la diversité des lectures de l’auteure aussi bien que de la dimension à la fois littéraire et scientifique de son projet et de la collection à laquelle il appartient, La Tortue de Zénon, aux éditions L’Arbre de Diane. N’étant pas en position de juger de l’exactitude scientifique de cet ouvrage, nous n’en dirons rien – mais nous nous fions aux sources renseignées, au sérieux et à l’honnêteté intellectuelle de l’auteure. Pour le reste, certains trouveront sans doute que les anecdotes et les considérations d’ordre personnel prennent trop de place et sont d’un intérêt inégal ; d’autres railleront peut-être certains propos ou le lexique personnifiant auquel recourt souvent Christine Van Acker. Comme beaucoup d’essais littéraires, celui-ci est fortement imprégné de la personnalité de son auteure, ce qui plaira ou déplaira selon les affinités de chacun. Si l’on est, comme nous, en sympathie avec ses vues et son amour pour le vivant, que l’on s’intéresse à l’homme ou à la femme derrière le livre, que l’on goûte son humour, la légèreté de ton qui affleure çà et là, toujours opportune, et l’ironie dont elle use à l’égard de certaines errances modernes, ce sera un agrément de plus et on lira L’en-vert de nos corps avec un plaisir et un intérêt très vifs. Si l’on est séduit, on se plongera avec autant de profit et d’agrément dans La Bête a bon dos, un livre du même acabit publié chez Corti en 2018, dans la Collection Biophilia – qu’il faut s’empresser de découvrir si ce n’est déjà fait – où elle met également en œuvre l’enthousiasmant programme de Jean-Pierre Otte : « restituer un peu de cette intimité que personne ne partage plus […] recréer la libre circulation entre les règnes » (L’amour en forêt)."
Christine Van Acker est une femme de lettres belge dont l’œuvre illustre différents genres : roman, conte, récit, essai, poésie, théâtre. Elle est aussi l’auteure de fictions et de documentaires radiophoniques et anime des ateliers d’écriture. Selon ses propres termes, elle « œuvre dans la littérature comme la taupe aveugle gratte la terre de ses longues galeries vides, rejetant des mots à la surface, résidus de ses avancées dans le cœur de la matière qui la compose, et sans autre espoir que celui de rejoindre l’inanimé, au cœur de toute présence ».(www.lesgrandslunaires.org)
Un article d'Anne-Lise Remacle, Focus Vif, 27 août 2020 :
"Sorti à l’orée du printemps - avant que les saisons ne deviennent floues - mais tout sauf périssable voici un livre intime sur le monde végétal, à l’hybridation réussie : racines plongées durablement dans la science et cimes tournées vers la poésie. On trouvera ici autant d’émerveillement authentique que d’anecdotes historiques, ludiques ou tissées dans la sève de la légende. Connaissez-vous par exemple les arbres qu’on dit mangeurs d’hommes ? Sensiblement préfacé par la toujours ad hoc Vinciane Despret qui convoque à raison Ursula Le Guin et sa fiction-panier, L’en vert de nos corps est conçu comme une récolte de butineuse (ou de glaneuse, comme Agnès Varda). C’est en effet avec une curiosité de tous les instants que Christine Van Acker agence ses fragments, faisant son miel non seulement de recherches variées précises – avec un goût pour la nomenclature et mais aussi pour les phénomènes sonores, elle qui écrit aussi pour la radio – mais n’hésitant pas à aller piocher chez de nombreux auteurs de chevet, d’Emanuele Coccia à la Botanique de Goethe, d’André Dhôtel à Ovide. Reste, en dernier tiers de pomme, un regard amusé posé sur tout ce qui pousse, y compris les petits d’homme confrontés au monde vert. L’autrice nous redit d’ailleurs bien combien au-delà des données mesurables, d’un lexique à croquer et à chérir (de la tagette lucida ou estragon mexicain au gouet tacheté, de la famille des Araceae) et d’un engouement collectif renouvelé (qui n’a pas eu recours aux forêts ces derniers mois quand tant d’autres murs se dressaient ?), s’intéresser à la nature est aussi une expérience éminemment personnelle, viscérale, parfois trouble : nous avons beau savoir qu’ils existent en et pour eux-mêmes, il est des arbres que nous considérons davantage les nôtres. "
Une chronique d' Oxyne Vercammen :
"Quel étrange et bel été on a eu…
Je l’avais abordé avec l’idée fixe de trouver un livre vers lequel revenir régulièrement, un livre-boussole, qui à défaut de me guider, me mènerait sur des pistes de réflexion revigorante tout au long de ces deux mois.
Ce livre de Christine Van Acker, publié dans la maison bruxelloise L’Arbre de Diane, préfacé par Vinciane Despret, restaure le monde du vivant en 44 courts chapitres. De fragments poétiques en rhizomes scientifiques : le voyage parfait où se côtoient le familier et l'inconnu.
Cet ouvrage nous invite à flâner dans les jardins, les forêts, les potagers, à oser l’assaut des cimes et à plonger au niveau des racines, à écouter des histoires de canopée et d'humus, de corolles et de sève, de pédoncules et de surgeons ; à y observer le monde végétal sous tous ses angles, par un effeuillage curieux et respectueux, une sorte de radiographie sérieuse, en couleurs et pas austère pour un sou.
C’est entre autres l’approche anecdotique qui fait de cet ouvrage scientifique quelque chose d’infiniment poétique et philosophique. Quand Christine Van Acker convoque la mythologie, son histoire personnelle, l’histoire de l’humanité, les contes et légendes ou une sorte de conscience collective pour évoquer tel arbre, telle fleur, plante ou herbe, elle le fait avec le juste dosage de science, de mots magiques et prometteurs, d’érudition, d’enthousiasme et d’espièglerie, pour nous donner à lire un livre aussi divertissant qu’instructif.
Et tout cela dans un style enchanteur et complice, avec le souci du partage et du respect pour la lectrice que je suis, ignorante mais curieuse et avide de ce type de connaissances, en tout cas, disposées de cette manière-là.
Parlons enfin de ces citations qui viennent ponctuer le texte comme des pensées à bouturer ou des semis qui ne tiendraient compte d’aucune saison.
On a tout à apprendre du végétal, sa générosité, son ingéniosité, sa fragilité, comment il règne, se préserve, se donne, lutte, s’insurge et se protège.
« Les arbres savent que tout coûte. Ils ne peuvent pas tout avoir, du bois, des fruits, des feuilles caduques… ».
Merci infiniment Mélanie Godin et les éditions l’Arbre de Diane pour ce livre que j’ai adoré."
Quelques extraits :
"????????????????????????, l'origine germanique de jardin, signifie ????????????????????????, un lieu préservé, un paradis d'où l'on tire le meilleur, fruits, légumes, arbres, fleurs art de vivre, et même la quintessence de nos pensées."
"Chemin en hélice de la sève aspirée par le haut, flux vital qui se trame derrière la rude écorce : dans les mots de l'arbre pulse une source vive dans laquelle j'aime plonger les mains, puis écrire. Les arbres ne se laissent pas habiter par ces mots savants à l'écriture sèche, plus minérale que végétale."
"L'arbre ne nous montre rien de ce qui l'anime intimement. Il ne possède nul organe vital à travers lequel nous pourrions le tuer d'un simple coup de couteau. Le transport de mon sang s'opère dans la nuit de mon corps comme celui de la sève dans le pommier qui me fait face quand j'écris. Mon sang, j'y songe seulement quand je me blesse ou lorsqu'il me coule entre les jambes. La soif de l'arbre, je la reconnais ; la mienne jamais ne s'étanche."
"L'une des racines de mon écriture, c'est ce désir de révéler ce que je crois voir et ce que je pense deviner."
"Dans un monde où chaque seconde doit être rentable, ce temps passé en compagnie d'une plante ordinaire, minutes étirées pour, en la dessinant d'un geste délié, saisir au mieux son essence, entrer dans la lenteur de ses mouvements imperceptibles, oublier un moment qui nous sommes et pour qui nous nous prenons, conjugue le scientifique avec le contemplatif, le poète, l'artiste."
"L'arbre ne nous montre que la moitié de son être. Le reste, aussi grand qui lui, ramifié, pivotant ou traçant, l'arrime à la terre et lui interdit de marcher. La seule danse qui lui est permise, le vent la lui offre. Je me souviens d'une tempête particulièrement dévastatrice où, avant de se retrouver couchés sur le sol, les sapins avaient été aspirés vers le ciel comme s'ils n'avaient été que de minces crayons d'écoliers. Au cœur de cette danse fatale, ont-ils eu, dans le bref moment d'apesanteur, et avec ce qui leur sert à percevoir, l'impression fugitive d'un moment d'évasion? Ont-ils eu, comme moi, lors de ce passage d'un continent à l'autre, le sentiment conjugué d'une libération et d'une déchirure pendant l'évulsion? Je m'étais déracinée volontairement. Ces gens, contraints à l'exil, où trouvent-ils de la place pour garder ce qui les rattache à leurs pays d'origine, là où ils ont grandi, là où ils ont fait leurs premiers pas? S'ils n'en meurent pas, où pourront-ils ranger cette part d'eux-mêmes aussi grande qu'eux quand le partage d'une mince parcelle de notre terre leur est refusé? Comment font ces égarés sans cet organe nécessaire à leur épanouissement, ces arrachés auxquels nos dirigeants ne daignent pas offrir le réconfort d'un seul verre d'eau?"
"Mes racines s'enfoncent dans les profondeurs du monde, à travers l'argile sèche et la terre humide, à travers les veines de plomb, les veines d'argent. Mon corps n'est plus qu'une fibre. Toutes les secousses se répercutent en moi, et le poids de la terre presse contre mes côtes."
Les vagues, Virginia Woolf
Retours des lecteurs :
Je suis contente d’avoir déjà largement profité de « L’en vert de nos corps », gonflé de beautés, de contemplation délicate, roborative, énergique, d’apprentissages pour l’œil, l’oreille, l’odorat et pour l’esprit : l’érudition légère, l’ironie qui se joue des ombres, l’art de la contemplation vive. La préface de Vinciane est remarquable. Un bel objet, aussi, vraiment.
Caroline Lamarche
J'ai adoré. Je n'étais sans doute pas difficile à convaincre. Toutes les préoccupations présentes dans mon travail, sont dans cet ouvrage. J'ai beaucoup appris et sans nul doute grâce à ce fabuleux travail je vais pouvoir approfondir ma démarche. Faire en conscience ce que l'instinct me pousse à faire. Y être un peu présent c'est beaucoup.
Fabien Mérelle
Chère Christine ! Juste pour vous dire combien, depuis quelques soirs, votre écriture me fait vibrer de la racine des pieds au sommet du feuillage…De quoi prendre une belle distance face à une actualité dévorante ! Merci pour cette écriture incroyable de richesses verbales et de finesse poétique. Je nous revois au Botanique, lors de notre entrevue et imagine votre corps vibrant à l’appel silencieux des êtres vivants auxquels nous tournions le dos et dont vous connaissez sans doute les secrets. J’ignorais alors… Quel beau message de vie vous diffusez là !
Olivier B
"Il est de bon ton, aujourd’hui, de parler des arbres, de décrire leur ramure, d’évoquer les cycles de la chlorophylle ; voire de parler aux arbres, de les embrasser, d’évoquer le jeu de la lumière dans leur feuillage, du vent dans leurs branches. Certains les embrassent pour capter un peu de leur puissante énergie. Christine Van Acker s’embarrasse d’une tout autre méthode, à la fois essentiellement scientifique et radicalement subjective : elle se fait arbre au sens ou Goethe se faisait, en le devenant, le chêne épanoui.
Le chêne est un arbre qui peut être fort beau ; mais quel concours de circonstances favorables il faut pour que la nature réussisse à produire un chêne vraiment beau ! Si le chêne pousse dans un bois touffu, entouré de troncs puissants, toujours il tendra vers le haut, l’air libre et la lumière. Il ne poussera sur ses côtés que de faibles branches, peu nombreuses, et même celles-ci, avec les années deviendront rabougries, tomberont.
Et lorsque, finalement, il sentira que sa cime baigne dans le jour, il se calmera et commencera de s’épanouir en tous sens pour former sa couronne. Mais, à ce moment-là, il a déjà franchi la moitié de sa vie : son mouvement de tant d’années vers le haut lui a ravi ses forces les plus saines, et maintenant son effort qui consiste à s’épanouir en largeur n’obtiendra pas un plein succès.
Au terme de sa croissance, il sera haut, fort, élancé, mais entre le tronc et la couronne, il manquera les justes proportions qui seules pourraient le faire déclarer beau.
De même si le chêne croît en des lieux humides, marécageux, si le terrain est trop gras et qu’il y ait assez de place alentour, le chêne poussera prématurément des branches et des rameaux en tous sens ; mais il lui manquera les forces nécessaires pour contrarier et retarder sa croissance.
Si enfin le chêne croît au penchant d’un mont, dans un sol aride et rocheux, il apparaîtra, certes, extrêmement cornu et noueux mais il manquera de libre développement, de bonne heure il se rabougrira, languira à jamais et ne sera tel qu’on puisse dire de lui : cet arbre a quelque chose qui force l’admiration.
Un terrain sablonneux ou mélangé de sable où les racines trouvent à se déployer dans toutes les directions, semble lui être le plus favorable. Et puis le chêne veut avoir assez d’espace pour absorber en lui toute l’action d la lumière, du soleil de la pluie et du vent. S’il croît à l’abri du vent et des bourrasques, il cesse de prospérer ; mais une lutte séculaire avec les éléments ne fait que renforcer sa vigueur, en sorte que, parvenu au terme de son développement, son aspect nous remplit de surprise et d’admiration.
-Ne pourrait-on pas, dis-je, tirer de vos exemples une déduction et dire qu’un être est beau lorsqu’il atteint l’apogée de son développement naturel ?
-Fort bien, repartit Goethe, cependant il faudrait s’abord convenir ce qu’on entend par l’apogée du développement naturel…
Mercredi 18 avril 1827 Conversations de Goethe avec Eckermann
Passer d’un règne à l’autre m’intimide. Le transport de mon sang s’opère dans la nuit de mon corps comme celui de la sève qui circule dans le pommier qui me fait face quand j’écris. Un arbre est pareil à celui dessiné par Vésale. Il me plaît que l’arbre garde son mystère.
Ainsi s’exprime Christine Van Acker, la femme qui parle le langage des arbres."
Marc.G
Très beau texte, Christine. Merci pour ce moment de pleine nature en cette période de confinement. A l’écoute, je te vois, de blanc drapée, couronne de fleurs au front, évoluer entre les arbres, au bord d’une fontaine imaginaire, comptant déjà les pétales d’une saison qui s’ennuie. J’en oublie que le soleil rage là-haut de briller pour l’absence, pour rien ou presque… s’il raisonnait en humain. Pourtant sa rogne n’est pas perçue, et derrière ses moustaches de lumière, le sourire du vivre heureux encore n’a rien d’une grimace… Oui, Christine, tu peux encore de cette manière forcer ma porte ou ma fenêtre. Je tendrai l’oreille et je soupirerai d’un nouveau bonheur d’air pur…
Jean-Luc G